La nuit et ses monstres,
Le soleil décline lentement sur la ligne d’horizon avant de disparaître englouti par la mer où il va éblouir et réchauffer le monde des océans dans cet abysse qu’il ne peut atteindre.
L’intensité de la lumière diminue et le paysage est en passe de basculer de la lumière vers les ténèbres.
La lande s’assombrit.
Les derniers oiseaux qui voletaient dans le ciel cherchent refuge dans les bosquets et les derniers cris du merle augurent l’apparition de corbeaux au plumage noir comme la nuit qui s’abat sur ce morceau de terre aussi proche de l’océan que des monts environnants.
C’est un lieu plein de vie, couvert de bruyère rose, de landes et de genets raz aux fleurs jaunes, de bosquets d’aubépines et d’épines noires aux fleurs blanches, d’arbres rabougris cassés par le vent et de quelques masures où se cachent chauve-souris et les oiseaux de nuit qui attendent l’apparition de la lune.
Dans le ciel quelques nuages jouent à cachecache avec l’astre nocturne..
Au sol des amas de pierres debout ou couchées, grosses ou petites, rondes ou plates, groupées ou éparpillées d’ici et de là, beaucoup, en limite de sentier où flânent encore quelques promeneurs.
La nuit descend doucement, s’installe calmement, enveloppe complètement.
Elle réveille alors et donne vigueur au petit monde invisible de jour qui peuple cet endroit la nuit.
La nature participe, à ce moment particulier, en se taisant un court instant mais long en même temps, cette transition où le monde du jour va laisser place au monde de la nuit.
Seuls quelques promeneurs patients, curieux et aguerris osent encore se promener à ces moments et en ces lieux.
La nuit a enveloppé de son manteau noir ce morceau de terre si accueillant le jour et qui devient magique et parfois hostile la nuit.
La lune majestueuse installée dans le ciel éclaire et participe par ses rayons clairs et sombres à la fois au réveil de ce monde de la nuit qui s’agite au souffle du vent sur ce lieu.
Et oui ce monde existe pour l’avoir expérimenté et côtoyé.
Les arbres se transforment en monstres noirs aux nez crochus et aux bras démesurés qui essaient d’agripper la lune.
Les cailloux se transforment en fées, lutins, trolls, gnomes… et ombres diverses qui jouent à cache-cache et font des folles farandoles pour vous faire trébucher.
Les grosses racines surgissent du sol comme les tentacules d’une grosse pieuvre remontant du fond de l’océan pour vous enlacer et vous entrainer dans les profondeurs en vous étouffant.
Le vent, tendre complice, se transforme en souffle humide et nauséabond pour vous effleurer la peau à vous englacer le corps.
Des ombres géantes se déplacent lentement ou en courant, tantôt en vous précédant, puis en vous suivant en même temps que vous.
Quelques bruits insolites rompent le silence religieux pesant de ce coin de terre.
Quelques animaux chassant la nuit et jouant avec les êtres de ce monde font bouger cette bruyère qui craque sur leur passage faisant croire aux revenants et Le « houhou » sans doute d’une chouette ou d’un hibou résonne dans le lointain.
Mais plus proche, tout à côté et peut être de l’autre côté, devant ou derrière, je ne sais, des bruits plus- tôt étranges. Des grincements de roues et des pas de chevaux se font entendre. C’est comme un bruit de charrette cahotant dans des sentiers creux, de partout et de nulle part.
Serait-ce l'Ankou qui ferait sa triste besogne en fauchant les vivants dont il a fait le tri pour cette nuit ?
Peut-être ! Sans doute !
Car au petit jour du lendemain, quand le soleil resplendit et réveille ce coin de terre où toute la vie reprend, l’on entend sonner le glas au clocher de la paroisse rappelant ainsi aux vivants que l’Ankou est passé par là.
Et dans un petit coin de vous-mêmes, lors de vos rêves et cauchemars, ne rencontrez-vous pas aussi, de temps à autre, vos monstres de la nuit ?
H.P-K (mars2017)